Altsasu réhabilitée

Altsasu (That Night) retrace le procès de sept jeunes accusés de terrorisme après une violente altercation avec des gendarmes. Le documentaire édifiant de Marc Parramon et Amets Arzallus questionne avec rage l’impartialité de la justice espagnole face à la question basque.

Les premiers plans sont sans équivoque. « Vous n’êtes pas les bienvenus », peut-on lire sur un mur à l’entrée du village d’Altsasu. En Navarre et au Pays Basque espagnol, ce genre de message s’ancre dans une histoire traumatique. Car malgré la fin de l’action armée de l’ETA, organisation indépendantiste basque, les tensions entre les populations locales et la gendarmerie espagnole subsistent. Et les mémoires de la répression policière sont vives.

C’est dans ce contexte qu’interviennent les évènements d’Altsasu. La nuit du 15 octobre 2016, une rixe éclate dans un bar. Selon l’enquête, huit jeunes altsasuar auraient violemment attaqué deux gendarmes et leurs compagnes venus prendre un verre. Durant l’altercation, un militaire a la cheville cassée.

375 ans de prison

L’affaire fait grand bruit. Certains médias font état d’une embuscade tendue par cinquante jeunes appartenant à la bande terroriste ; version soutenue par la gendarmerie. Sous la pression des associations de victimes du terrorisme, notamment, les politiques s’emparent du sujet. A droite on dénonce la résurgence de l’ETA. Il s’agirait alors bien d’une attaque terroriste dirigée contre l’Etat espagnol.

C’est l’Audience Nationale, compétente en la matière, et réputée pour sa partialité idéologique, qui traite l’affaire. Pour une cheville cassée, le procureur réclame une peine de prison cumulée de 375 ans pour les sept accusés. À l’issue d’un procès inéquitable, où certains témoignages et pièces à conviction témoignant de l’innocence de certains prévenus seront censurés, les peines sont allégées. Mais, pour beaucoup, le mal est fait.

Altsasu, c’est avant tout l’histoire d’une injustice. Celle de sept jeunes pris dans la tourmente d’une affaire qui les dépasse, écrasés par la machine politico-médiatique. En sortant de la projection, peut-être faut-il déconstruire ses propres préjugés sur l’affaire. Certainement qu’il faut encore beaucoup « panser » le conflit basque.

Altsasu (Gau Hura). 2021. Espagne. 1h23. Marc Parramon y Amets Arzallus.

Mattias Corrasco