Dans son second long métrage, Children of the enemy, Gorki Glaser-Müller suit son ami Patricio Galvez, musicien chilien-suédois, engagé envers et contre tous pour le rapatriement de ses sept petits-enfants, depuis le camp d’Al-Hol. Un récit sur l’attente, l’espoir et l’amour.
Nos ennemis ont des enfants. Ils ont aussi des parents. Patricio Galvez est le père d’Amanda, une jeune femme suédoise convertie à l’islam radical. Mariée à Michael Skråmo, haut dignitaire de l’État Islamique, elle part vivre à Raqqa en Syrie. Elle y meurt, en 2019, durant la bataille de Baghouz, le dernier bastion du califat. Peu de temps après, son mari est tué. Orphelins, leurs sept enfants sont internés dans l’enfer du camp d’Al-Hol, où 27 000 mineurs sont abandonnés à la misère et à l’insécurité.
« S’ils restent, ces enfants seront pires que leurs parents »
Tous les soirs, Patricio Galvez scrute les photos du camp, dans l’espoir d’y apercevoir ses petits-enfants. Malgré les réticences du gouvernement suédois, il y croit. Les petits reviendront en Suède, il en fait une affaire personnelle. Ils rentreront, quoiqu’il en coûte et malgré les réticences de l’opinion publique, car « s’ils restent, ces enfants seront pires que leurs parents ». Il le doit à sa fille, qu’il n’a pu sauver et à ses six petits-fils et à sa petite-fille qui n’ont connu que la guerre. Il se le doit aussi peut-être pour se pardonner, lui qui avait observé avec passivité la radicalisation de son enfant. « La seule chose qui m’importait, c’était qu’elle soit heureuse », reconnaît-il.
Un papy lanceur d’alerte
En Suède, son avocat lui donne un conseil : pour rapatrier ses petits-enfants, il lui faudra faire pression sur les autorités suédoises. Par tous les moyens. Alors il part en Irak, sans soutien diplomatique. La caméra embarquée de Gorki Glaser-Müller suit le périple de ce grand-père courage, ses intenses négociations dans un anglais approximatif avec les autorités kurdes. Dans son hôtel irakien, l’attente est interminable. Le papy se mue en personnalité médiatique, enchaînant les interviews télévisées, il devient lanceur d’alerte sur le destin macabre des enfants internés à Al-Hol. On l’entend s’excuser, malgré lui, auprès des Kurdes et des Yézidies des exactions de sa fille.
La joie des retrouvailles laisse rapidement place à une terrible réalité : les enfants sont endoctrinés. Ces sept tignasses à la blondeur scandinave ont leur propre langage, et leurs propres occupations. L’expression « Allah u Akhbar » est leur refuge lorsqu’ils ont peur. Les comptines apprises au sein des écoles de l’État Islamique sont entonnées face à l’ennui. Face caméra, dans son espagnol natal, Patricio Galvez semble prendre conscience de l’enjeu : « éduquer ces enfants sera une tâche difficile, ils auront besoin de beaucoup d’amour ». Qu’importe, il les a sortis de l’enfer.
Mattias Corrasco
Children of the enemy, 2021. 1h37. Suède, Danemark, Qatar. Gorki Glaser-Müller
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