Le journaliste producteur de Premières Lignes a rencontré les festivaliers après la diffusion de son documentaire Les promesses en plastique de coca-cola, une enquête de longue haleine menée par Sandrine Rigaud pour Cash Investigation sur France 2. Comme à son habitude, l’émission d’Élise Lucet ne se prive de rien pour éveiller les consciences.

Une montagne de bouteilles en plastique en Tanzanie, accompagnée d’une musique exprimant le dégoût. Des plages soit-disant paradisiaques mais en réalité polluées par des milliers de déchets ramassés par des Tanzaniens payés une misère. Ou pire, des morceaux de plastique retrouvés dans les corps de poissons. Ceux que nous mangeons. Bref, Cash Investigation fait du cash. À travers des images saisissantes, agrémentées au besoin d’effets visuels et sonores, l’enquête de Sandrine Rigaud ne laisse personne indifférent. De quoi réjouir Luc Hermann, déjà très enthousiasmé par la sélection du documentaire dans la nouvelle catégorie en compétition « Impact » pour cette première édition du Fipadoc : « Le jury a sélectionné sur le marché international des films à forts impacts. C’est des documentaires qui ont fait bouger les choses et qui ont interpellé le public. Donc grand respect à l’équipe du Fipadoc d’avoir organisé une telle compétition ! ».
Un peu de mise en scène pour interpeller le plus grand public
Du début à la fin, chaque détail compte. Chaque image, chaque mot, chaque son, chaque effet visuel. Rien n’est laissé au hasard. Le but ? Interpeller le plus grand public. C’est bel et bien la devise de Cash Investigation. Et les images en Tanzanie se suffisent à elles-mêmes pour marquer les esprits. Mais pour illustrer des chiffres tirés de longs rapports secrets en anglais, il faut faire preuve de créativité… Heureusement, les équipes de Cash n’en manquent pas. Car à la télévision, il est parfois difficile d’évoquer des données chiffrées issues de longs rapports, souvent écrits en anglais. Producteurs et réalisateurs doivent donc redoubler d’imagination.

Pour l’enquête de Sandrine Rigaud, Cash Investigation a fait appel à des graphistes. « Ces documents qui sont souvent écrits dans un anglais souvent un peu technique, c’est sûr que ce n’est pas visuel », explique Luc Hermann, qui salue le « travail remarquable » des graphistes qui ont pensé à utiliser des bouteilles de coca-cola avec des étiquettes rouges sur lesquelles figurent les noms et années des rapports internes de la firme au logo rouge et blanc. Nommé « l’incubateur », ce lieu où ont été disposées les bouteilles de coca-cola que l’on voit défiler dans un réfrigérateur a été loué par l’équipe de production du documentaire. Un investissement indispensable pour marquer les esprits. Surtout pour des enquêtes économiques, avoue Luc Hermann, l’objectif étant de s’adresser à un très large public. « Il faut que ce soit agréable à regarder », ajoute-t-il.
Pourtant chez Cash, on use des effets visuels que si cela est vraiment nécessaire. « Cela impacte, mais ce n’est pas tout le temps indispensable, et c’est sur des séquences très courtes. Regardez le reportage tourné en Tanzanie, ces montagnes de bouteilles en plastique vides qui polluent le paysage, elles se suffisent à elles-mêmes ! Ce sont des images magnifiques » lance Luc Hermann, le sourire aux lèvres. « D’ailleurs, j’ai demandé à Sandrine Rigaud et au monteur d’en mettre plus. Car au départ, il n’y en avait pas assez. On a besoin d’en voir beaucoup plus. Ils avaient dû s’y habituer pendant le montage mais c’était vraiment des images impressionnantes. » Si réussi que la production ne s’est pas privée d’ajouter une musique de fond pour exprimer le dégoût qu’on ressent face à ces milliers de déchets qui polluent la Tanzanie.
Aucune limite dans la dénonciation
Comme l’illustre le documentaire de Sandrine Rigaud, les productions de Cash Investigation affichent un réel engagement des journalistes pour des sujets de société, environnementaux, ou de justice sociale. Rien de surprenant qu’une des enquêtes de l’émission d’Élice Lucet ait été sélectionnée dans la nouvelle catégorie « Impact », qui selon Marion Sibers, une des membres du jury, réunit des documentaires qui sont ici tous axés dans l’engagement, l’implication et la dénonciation. Et pour Luc Hermann, les journalistes n’ont aucune limite à s’imposer dans la dénonciation : « Il ne faut pas diffamer, il faut avoir un ton très neutre, ne pas porter des propos haineux. Mais pour moi il n’y a pas de limite du tout. La seule limite que je verrai, c’est de la pratique journalistique, ce serait de diffuser, ou de publier un bouquin, un article, un documentaire trop tôt, sans avoir l’intégralité de l’enquête, et sans avoir pu mener une interview contradictoire, c’est-à-dire aller chercher les gens qui sont mis en cause dans l’enquête ». Mais si au bout de plusieurs mois, personne ne répond aux demandes d’interviews parmi ces individus mis en cause par les journalistes dans leur enquête, « il n’y a nullement besoin de se censurer si on estime qu’avec les éléments qu’on a pu réunir et les conseils juridiques, on peut diffuser parce qu’on a des informations solides ».
Dénoncer, percuter, faire bouger les choses
Dénoncer et éveiller les consciences, c’est bien. Faire évoluer le monde, c’est mieux. C’est tout l’objectif des enquêtes menées par les journalistes de Cash Investigation. À la fin de la projection, un spectateur a demandé à Luc Hermann quelles avaient été les retombées après la diffusion du documentaire de Sandrine Rigaud. Le producteur a répondu qu’il n’en savait rien. Du moins pas pour le moment, l’enquête ayant été diffusée à la fin du mois de septembre. « Tout ce qu’on sait, c’est que Coca-Cola n’a pas engagé de poursuites judiciaires contre nous, c’est déjà ça. Car nous ne sommes pas au-dessus des lois », explique le journaliste-producteur. Mais Cash reste attentif. L’émission a déployé « Cash Investigation IMPACT », une cellule dédiée au suivi des sujets après leur diffusion à la télévision, pour analyser les conséquences en France et dans le monde.
Caroline Robin
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